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Le troisième congrès international anarchiste (Carrare, 1968)

Le troisième grand congrès anarchiste international fut inauguré le 31 août 1968 à Carrare en Italie. Cette rencontre avait été préparée de longue date. Une première conférence internationale avait déjà d’ailleurs eu lieu en Allemagne de l’Ouest en 1964. Un secrétariat y avait été mis sur pied pour prendre contact avec ce qui restait de la C.I.A. mais cela avait abouti à un échec . L’organisation de la réunion fut alors confiée à une commission préparatoire. L’idée essentielle qui guidait celle-ci était de rompre avec la pratique « a-organisationnelle traditionnelle ». Tirant les leçons des échecs précédents, il fut décidé de convier au nouveau congrès des mouvements et non plus des individus . La fédération Socialisme et Liberté de Belgique participa aux travaux préparatoires. Elle prévoyait aussi l’envoi d’un de ses représentants au congrès .

Les Italiens tenaient particulièrement à la réussite du congrès, qui se déroulait dans leur pays et pour lequel ils s’attendaient à une couverture médiatique importante par la presse. Ce fut effectivement le cas ; la séance d’inauguration fut même retransmise à la télévision italienne ! La Fédération Anarchiste Italienne était consciente que ce congrès pouvait constituer une bonne vitrine pour son mouvement. Le choix de Carrare n’était d’ailleurs pas le fruit du hasard : cette ville, célèbre pour ses carrières, était considérée comme un bastion anarchiste.

Alors que l’événement était prévu pour le mois de septembre et que tout était déjà organisé, les évènements de mai vinrent surprendre les organisateurs. De nouvelles données devaient être prises en compte pour l’organisation du congrès. La question de la participation de groupes non affiliés aux fédérations nationales (Noir et Rouge, F.I.J.L.) posa notamment problème. En effet, les nouveaux groupes créés lors des événements de mai demandèrent à participer à la réunion et, sans même attendre une réponse, annoncèrent leur présence publiquement. Or, ceux-ci n’étaient pas les bienvenus pour tout le monde. Une réunion de crise fut organisée les 29 et 30 juin 1968. Aucune solution n’en sortit et les nouveaux groupes vinrent à la réunion, ce qui causa un certain nombre de problèmes. De très vives discussions eurent lieu entre les différentes tendances et groupes anarchistes, principalement français. Les anarchistes spontanéistes s’opposèrent aux organisationnels. La tendance cohn-bendiste (spontanéiste) était représentée en masse dans le congrès. Ses partisans s’opposaient à l’anarchisme « à l’ancienne » et dénonçaient « la vieille garde nécrophage qui se délecte du souvenir de ses pères fondateurs rangés sagement dans une sorte de Panthéon de la contestation » . Pour éviter des affrontements physiques, certaines branches anti-congrès furent exclues de la rencontre . Daniel COHN-BENDIT, qui avait finalement reçu un carton d’invitation, prit enfin la parole à la fin de la première journée, sur un ton assez agressif. Il dénonça le caractère non-spontané et l’inutilité du congrès. Il stigmatisa la stérilité des débats, déclarant à l’assemblée que ce n’était pas « en poursuivant l’éternel débat entre Bakounine et Marx que vous ferez avancer la révolution ». Il affirma encore que « pour nous le problème n’est pas entre marxisme et anarchisme. Il est de découvrir et mettre en œuvre les méthodes les plus radicales en vue de la Révolution ». La majorité des organisations présentes réfutèrent ces thèses. L’attitude de Daniel COHN-BENDIT fut sévèrement réprouvée. Ainsi, Hem DAY, qui n’assistait pas au congrès, portait un regard très négatif sur son comportement . Finalement, Daniel COHN-BENDIT quitta le congrès, emmenant avec lui tous les spontanéistes. Le reste du congrès ne fut plus très passionnant. Le programme fut respecté à la lettre, aucune décision importante ne fut prise. Le congrès fut même écourté de deux jours. Le mouvement n’arriva même pas à désigner une Commission de Relations de l’Internationale de Fédérations Anarchistes. (C.R.I.F.A.), rôle qui revint à l’équipe préparatoire du congrès .

On le voit, « le mouvement anarchiste et libertaire, malgré des déclarations souvent répétées et bien intentionnées, manque d’un esprit largement internationaliste ». Peu de décisions importantes furent prises lors des congrès internationaux et aucune n’aboutit réellement à quelque chose. Les anarchistes, déjà souvent en conflit au niveau national, éprouvaient des difficultés à se dépêtrer de leurs divisions tant celles-ci étaient importantes entre individualistes, communistes, syndicalistes, spontanéistes, conseillistes… A ces divergences, il faut encore ajouter tous les conflits de personnes et d’amour-propre, sentiment très répandu dans ces milieux et évidemment peu favorable à la réalisation d’un travail constructif.